J’ai avalé mon histoire comme j’ai mangé la tienne, Poète, Sculpteur ou Peintre d’éternité au présent… Quel repas, dis-tu, avons-nous partagé ? À quand, et avec qui , le prochain ? On verra... On lira ... | Marie-Thérèse PEYRIN - Janvier 2015
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ETATS DES YEUX | Octobre 2024 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 43 | Un temps de Toussaint



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25.10.24

Une profusion de fleurs sur le siège arrière de l'auto et devant sur le siège passager à droite . Préparer la tournée rituelle de trois cimetières Beaujolais.  A quelques kilomètres de distance, trois lieux de mémoire éteinte que je tiens à rallumer tendrement. Une préférence ou deux. Mais je peux les traiter à égalité. Il y a des morts qui ne touchent plus autant la peau profonde. Des souvenirs qui s'étiolent. Cependant la mort se débrouille toujours pour irriguer le présent et s'incarner à chaque instant. L'éloigner n'est pas difficile, mais elle revient comme une mèche rebelle devant les yeux qui s'embuent facilement. Mettre les chagrins successifs à distance occupe beaucoup de temps. Ne pas durcir son coeur par négligence. Ne pas chercher à fuir devant le néant. Fleurir nos propres mort.e.s c'est fleurir tout le monde. Du ciel les cimetières de Toussaint en pente sont beaux à voir. 

Fidélité à des lignées où la mort prématurée a changé la donne. Grands-pères remariés. C'était l'époque. Un homme ne peut pas rester seul. Surtout après avoir vécu la guerre de 14-18. Deux femmes rapportées, une opportune (une relation galante ?) et une exilée d'Italie. Des ambiances viticoles. Nous aimions côtoyer cela, surtout pendant l'été, et au moment des vendanges.

Aujourd'hui les ancêtres intriguent encore. Leurs os ont disparu. Ne subsistent que très peu de photos en noir et blanc ou sépia. Les patronymes et les prénoms d'antan sont des trésors. Leur dispersion étonne.

Nous ne fréquentions pas les cimetières villageois mais on nous en parlait souvent. Il y avait des choses à savoir. D'autres à oublier. Les familles sont des mausolées de non-dits. Elles sont source de légendes, de drames et de compromis.

Deux tombes de marbre sombre, une tombe à gravier avec bac de terre devant. Deux sépultures  glacées façon bourgeoises, une de  facture modeste, ma préférée. Ne jamais les abandonner. Mission maternelle implicite. Chacune pourtant inspire des sentiments différents, je les sens complémentaires.

Honorer les personnes mortes connues ou inconnues est un rituel précieux. Il nous confronte à notre propre disparition qui devient de plus en plus crédible. Il rend la présence vivante vitale à savourer .

Ne pas avoir de sépulture identifiable est une malédiction. Certain.e.s diront que Non ! D'autres font du spiritisme. Je veux faire autrement. L'au-delà me paraît inaccessible. Je me contente de l'idée de réincarnation cosmique à partir d'une stèle même périssable. Elle compte au moins pour quatre générations. 

Car il n'y a rien de plus triste que l'anonymat des fosses communes ou des carrés pour indigent.e.s.

Les disparu.e.s en mer s ou en camp de déportation sont des fantômes inconsolables. 

La naissance et la mort sont des jalons essentiels et indispensables pour comprendre la valeur d'un parcours et d'une existence, quelle qu'elle fut.

Les fleurs sont dans la voiture. Multicolores et fières. Elles attendent une manière concrète de courte procession annuelle et personnalisée. Elles savent à qui s'adresser... Elles savent donc où mourir... Elles ont pourtant la charge de résistance à l'oubli.

 

Il y aura plus tard quelques tombes Ardéchoises à visiter , dans "ce pays de cailloux" comme  le qualifiait notre grand-père au regard triste. Notre mère a inauguré l'espace dédié aux crémations, elle a été la première en Mai 2003, l'ayant fait réclamer à la mairie. Il n'était pas question de cendres dispersibles... Son petit carré de marbre rose n'est jamais défleuri et il déborde. Elle y a retrouvé notre père en Mai 2017. Cette année, une petite céramique avec la photo du couple redonnera un peu de vie aux bons souvenirs de ces deux-là. Les médaillons individuels avaient perdu de leur éclat et l'un des deux s'était brisé au changement des plaques nominatives. Les réunir me rend heureuse. Eloge du recueillement libre avec des gestes inédits.

 

 


ETATS DES YEUX | Octobre 2024 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 40 | Automne

 

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Quand les vents sont contraires,

appuie sur eux ton échelle et grimpe

 

Attends que ta colère

comme le vent se fatigue

 

Pose une pierre sur ton ombre

et pars en courant

 

Si tu sais aimer le plus bête des cailloux

tu sais aimer

 

Mon ami Tchang dit

que les vraies amitiés

sont comme les neiges éternelles

elles sont tout en haut

 

Jean-Pierre Siméon

Le livre des petits étonnements du sage Tao Li Fu

CHEYNE éditeur, 2016

 

 

Reprise des notes ici, plusieurs événements déclencheurs

Besoin de faire le point sur l'écriture rassembler les idées d'abord

Dépasser l'écoeurement et le découragement...

Encore une fois la vie déborde et dévaste

je ne digère plus  mentalement le trop plein

le trop plein de mort

le trop plein d'images glauques

le trop plein de mots vides 

Les lâchetés et les violences s'agglutinent à longueur d'écran

Le struggle for life affiche ses combines et ses exactions

L'enfance est massacrée, profanée

Des femmes sont bridées, violées et parfois tuées

La misogynie revient en force aussi dans la politique

Dans les comportements mafieux et complaisants

les dictatures prospèrent et gangrènent la justice

les peuples sont trahis et instrumentalisés 

le dieu pognon décide qui doit vivre et qui doit mourir

Rien de nouveau sous le soleil  mais celui-ci est devenu

un ennemi, un pilleur d'eau même contaminée

On attend que ça pète et ça hurle déjà au plus fort

au plus malin au plus cynique au plus méprisant

Même le Printemps des Poètes en rajoute sans le vouloir

Il prône La poésie volcanique... comme si ça ne suffisait pas...

le grabuge le chaos la débandade l'exode la mutilation le marasme

Je ne crois plus à la naïveté  aveugle d'une poésie qui sauve  le Monde,

d'ailleurs le mot Sauveteur est masculin et porté aux nues quand ça arrange

Il permet de justifier toutes les guerres et les passages à l'acte perpétuels

Les agressions et les sauvetages font s'égosiller les sirènes partout  dans la cité

Des couteaux perforent, des explosions déchiquettent,

Des détresses, des destins brisés sont enfouis sous des silences et des gravats.

La spirale du crime se répand dans la plupart des pays

sous  la tutelle des marionnettistes géodélocalisés

 

J'ai peur des bombes, des drones, des avions de chasse, des ouragans

et des volcans. J'ai peur des hommes qui  partent tuer des vivant.e.s,  

les enferment, les refoulent ou les torturent au physique comme au mental.

Tous les jours nous abreuvent avec les images de haine à côté des scores du CAC 4o

ou de la nouvelle tenue vestimentaire de l'épouse du président,

de l'inconséquence de gros bébés hargneux à jouets nucléaires... 

La coupe est pleine et je n'écrirai pas de poème utile dans ces conditions. 

Je vous trouverais du courage à en avoir encore envie

Car pendant ce temps là et cela m'attriste, les egos des poètes et des artistes cherchent une niche  confortable pour continuer à créer dans la pagaille générale. Ils courent tous et toutes après les sous de subvention ou de mécénat pour prendre de la distance avec la réalité, en parler en "spécialistes" avec des mots justes et excitants.  Aujourd'hui on va "chercher la parole" des gens pour en faire des livres et de jolies fictions qui font vibrer le cortex émotionnel et sensuel. Le parler mal et vulgaire fait la Une. On choisit soigneusement les insultes et on les répète sur les chaînes de TV... Le bégaiement haineux et moqueur remplace l'analyse et le respect de l'autre, le débat équitable. Jeu de miroirs déformant. Ping Pong de la médiocrité. La société actuelle favorise cette recherche de mise au pilori et il faut changer de bouc émissaire pour ne pas s'ennuyer... On n'y comprend plus rien...  Mensonges et sur-mensonges, fake news comme sport international. On n'a pas le temps de penser d'aplomb... On tombe dans l'idiotie et le spectacle graveleux... Rien d'intéressant dans tout cela. 

Alors je préfère écouter de la musique et ne plus répondre aux orgueilleux.

 

A l'instant... Pluie de missiles depuis l'Iran...

Une femme en veste rose fuschia parle devant une image de ville en miettes...

Tellement banal  tellement odieux tellement triste